mardi 19 janvier 2010

El Dorado (1967)


Un des géants du cinéma américain de l'époque des grands studios, Howard Hawks (1896-1977) a laissé derrière lui une imposante filmographie où il aura abordé et laissé sa marque dans une multitude de genres. Que ce soit le film de gangster (SCARFACE*), le film noir (THE BIG SLEEP), le cinéma d'aventures (HATARI), la comédie (BRINGING UP BABY, BALL OF FIRE) et le musical (GENTLEMENT PREFER BLONDES) en passant par le drame de guerre (ONLY ANGELS HAVE WINGS, SERGEANT YORK) et, bien sûr, le western (RED RIVER), Hawks aura réussi l'exploit de concocter une pléiade de classiques dans un parcours pour le moins versatile.

Après RED RIVER (1948), Hawks revisite le western avec le non moins célèbre RIO BRAVO (1959), deuxième collaboration avec John Wayne (dit le Duke pour les inconditionnels), et premier volet de se qui se voudra une trilogie. Après avoir tourné RIO BRAVO à la Warner, Hawks traverse une période plus sombre avec trois échecs: HATARI! (1962), film d'aventures sur fond de safari toujours avec John Wayne, MEN'S FAVORITE SPORT (1963), une comédie romantique mettant en vedette Rock Hudson, ET RED LINE (7000), drame sportif sur fond de course automobile en stock-cars avec un tut jeune James Caan. C'est ainsi que Hawks se ramène chez la Paramount pour tourner EL DORADO, deuxième volet de sa trilogie western avec le Duke commencée huit ans plus tôt avec RIO BRAVO.

Synopsis : Shérif alcoolique d'une petite ville, J.P. Harrah (Robert Mitchum) a fort à faire pour faire régner l'ordre dans sa municipalité, elle qui est aux prises avec les méfaits de la bande à Bart Jason (Edward Asner), rancher local qui fait la pluie et le beau temps dans la région. Pour toute aide, Harrah ne peut compter que sur son shérif adjoint, Bull Harris (Arthur Hunnicutt), truculent et très loquace vieillard dont les beaux jours sont cependant derrière lui. La situation s'annonçe encore plus difficile à l'horizon pour Harrah alors que Jason engage Nelson McLeod (Christopher George), tueur à gages notoire, pour mener à bien son sale boulot. Qu'à cela ne tienne, Harrah bénéficiera de l'aide de son vieil ami Cole Thornton (John Wayne), un sympathique aventurier tout fraîchement débarqué en ville flanqué de Mississipi (James Caan), un jeune cowboy assoiffé de vengeance ayant suivi la trace du meurtrier d'un ami auprès de la bande à Jason.

Pour tous ceux qui connaissent et qui ont pu voir RIO BRAVO, il n'y a pas de doute. EL DORADO est non pas une suite, mais plutôt un remake à peine voilé de son prédécesseur. En effet, le scénario de Leigh Brackett reprend presque scène par scène et à peu de détails près, les mêmes situations et les mêmes développements que Rio Bravo. John Wayne y reprend le même rôle, tandis que Robert Mitchum fait écho à Dean Martin dans son personnage de Dude et que Arthur Hunnicutt reprend dans les grandes règles le personnage du vieillard truculent interprété par Walter Brennan dans le premier opus, toutefois avec beaucoup moins de panache. Quant à James Caan, les intentions sont évidentes, alors que son personnage est affublé, lui aussi, du nom d'un état américain comme prénom, à l'instar du Colorado joué par Ricky Nelson dans RIO BRAVO.

Sorti en 1967, en pleine époque où le flower-power et la contre-culture contestataire battait son plein auprès de la jeunesse américaine, EL DORADO n'a pas connu le succès escompté. Il faut dire que le film, malgré sa belle facture, n'arrive pas à se défaire d'un certain verni "dépassé", avec ses personnages manichéens, ses développements quelques peu prévisibles, et un certain côté moralisateur qui peut s'avérer agaçant pour un public qui se gorgeait à l'époque des westerns-spaghetti sales, crasseux et joyeusement immoraux de Sergio Leone et consorts. Malgré quelques bons moments, et la très belle photographie de Harold Rosson (DUEL IN THE SUN), la mise en scène de Hawks s'avère à peine un peu plus que fonctionnelle. Ce qui est étonnant, alors que celui-ci était reconnu pour un réalisateur au style énergique.

John Wayne est, comme à son habitude, égal à lui-même dans son éternel rôle de cowboy baroudeur rustre mais juste, sans peur et sans reproches, et on ne peut que sourire de voir un tout jeune James Caan en faire des tonnes dans son rôle de jeune freluquet (presque) maladroit, à l'encontre des bouillants personnages qu'il interprétera après le Sonny Corleone du Godfather de Coppola. Il reste toutefois le grand Robert Mitchum, roi de "l'underplaying" qui tire le mieux son épingle du jeu avec une interprétation sobre et solide, sans flafla, et dont l'allure très décontractée convient très bien au personnage. Les personnages féminins? Tout juste accessoire. Passons...

EL DORADO est disponible en DVD chez Paramount en deux éditions : une édition simple tiré de la Collection John Wayne et, suggestion pour les amateurs, une édition spéciale de deux disques sortie sous la bannière "Centennial Collection" comprenant deux excellentes pistes de commentaires audio : une du réalisateur Peter Bogdanovich (THE LAST PICTURE SHOW), ami, biographe et confident de Howard Hawks, et l'autre du journaliste Richard Schickel, du magasine TIME. Le deuxième disque comprend, quant à lui, un documentaire exhaustif en sept parties sur le tournage, un court-métrage promotionnel datant de l'époque du tournage ainsi que plusieurs autres suppléments.

* On parle ici du SCARFACE original de 1933, non pas du remake de Brian De Palma datant de 1983.

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