mercredi 27 janvier 2010

Dracula (1979)


On ne compte plus les adaptations au cinéma du célèbre roman de Bram Stoker depuis le célèbre classique de Tod Browning avec Bela Lugosi dans le rôle-titre en passant par les nombreuses adaptations et dérivés de la Hammer avec Christopher Lee. Inutile donc de les énumérer ici, je me concentrerai donc sur celle faisant l'objet de ce billet.

Cette fois-ci, c'est le cinéaste John Badham (Saturday Night Fever) qui s'y colle, ce qui peut sembler à priori surprenant, Badham se retrouvant ici bien loin de l'univers des discothèques new-yorkaises. Ceux pacontre qui connaissent la filmo de Badham plus en profondeur savent que l'on a affaire ici à un autre touche-à-tout du cinéma hollywoodien voguant de genre en genre, avec un succès toutefois inégal, que ce soit le drame sportif (Bingo Long), l'adaptation d'une pièce de théatre (Who's Life Is It Anyway?) ou le suspense technologique (War Games) tout en passant par le polar, genre qu'il a revisité le plus fréquemment et où il semble plus à l'aise (Blue Thunder, Stakeout), The Hard Way), ce qui ne le préserve point de quelques ratages, comme Drop Zone ou bien ce déplorable remake du Nikita de Luc Besson qu'est Point Of No Return.

Alors ici, Badham s'attaque à une grosse pointure de la littérature d'épouvante avec son petit Dracula bien à lui, adapté de la pièce de Hamilton Deane et John L. Balderston qui servit aussi de base pour l'original de Tod Browning. Pas de délires baroques aux arrières-goûts gothiques tels que le Dracula de Coppola, nous avons plutôt droit ici à une relecture à la sauce victorienne du roman de Bram Stoker. Qui plus est, Badham et son scénariste W.D. Richter (Invasion Of The Body Snatchers) vont même pousser l'audace jusqu'à transposer le mythe du vampire des Carpathes dans l'Angleterre du début du XXème, plus précisément en 1913, où l'on retrouve notre pote Vlad Dracul (Dracula pour les intimes, sous les traits suaves de Frank Langella) tout fraîchement débarqué du Demeter pour prendre possession de la vieille abbaye de Carfax, située tout près de l'asile dirigé par le Dr. Seward (Donald Pleasence). Il va sans dire que Dracula en profitera pour faire le plein de sang frais, tout en s'intéressa particulièrement à Lucy (Kate Nelligan), la fille du bon docteur, après avoir bien disposé de sa meilleure amie Mina (Jan Francis). Cependant, l'arrivée du professeur Abraham Van Helsing (Laurence Olivier), père de la malheureuse victime, viendra brouiller les cartes...

Les familiers de l'oeuvre de Stoker remarqueront immédiatement une autre liberté prise par cette adaptation, soit les rôles interchangées des personnages de Lucy et Mina, Mina étant la principale héroïne tandis que Lucy s'avère en fait l'amie au sombre destin, et le script de Richter ne s'arrête pas là, faisant de Mina la fille du professeur Van Helsing. De quoi faire fulminer les puristes qui crieront à la fumisterie !

Pour ce qui est du reste, le film de Badham n'est pas sans failles, surtout du côté de la construction narrative et de plus, la mise en scène s'avère quelquefois un peu lourde et manquant d'énergie et de rythme malgré quelques bons moments (l'intro sur le Demeter, la première "visite" nocturne de Dracula dans la chambre de Mina, la séquence de la crypte) mais toutefois, le tout se laisse voir sans ennui, grâce à une relecture intéressante mettant l'emphase sur l'aspect érotique teinté d'un certain romantisme noir qui transpirait dans le roman original (et dans les films de Terence Fisher chez la Hammer), et cela bien avant l'adaptation "définitive" de Coppola, quelques 13 ans plus tard. Heureusement, Badham ménage aussi les effets, s'appuyant plutôt sur une construction d'atmosphère bien amenée pour illustrer son récit, un gros merci à la superbe photographie de Gilbert Taylor (Frenzy, Star Wars) au passage.

Dans le rôle-titre, Frank Langella (Frost/Nixon) compose un Dracula qui, s'il n'est pas exactement à l'image du personnage imaginé par Bram Stoker, est néanmoins imprégné d'un charme sophistiqué et au flegme tout ce qu'il y a de plus britannique (malgré les allusions aux origines roumaines du comte) et certains pourront déplorer cette "britannification" du personnage mais néanmoins Langella nous fait la grâce de ne pas s'appuyer sur des effets grandiloquents pour composer son rôle, à l'inverse de Gary Oldman chez Coppola, dont l'accent boiteux tendait maintes fois vers la caricature. De plus, l'initiative de Langella de ne jamais porter de prothèses est bienvenue, renforçant l'aspect inquiétant et évitant le piège du grand-guignol qui risquerait de faire basculer l'ensemble dans la farce risible. Ayant déjà joué la pièce de Deane et Balderston sur les planches à Broadway, Langella habite littéralement le personnage et l'intérêt du film vient en majeure partie de sa contribution.

Il reste à louer rapidement le reste de la distribution. Le Dracula de Badham bénéficie d'un casting plus qu'intéressant. Outre Langella, on y retrouve l'incontournable Donald Pleasence (The Great Escape, Halloween), un habitué de l'épouvante, qui nous fait le coup de voler littéralement la vedette au reste de la troupe avec un Dr Seward plus qu'étrange avec ses innombrables tics, ainsi que la comédienne canadienne Kate Nelligan (Eye Of The Needle), plus "british" que nature dans la peau de l'aristocrate Lucy. Et je m'en voudrais de ne pas souligner la performance complètement délirante de Tony Haygarth dans le rôle du ghoule Renfield, qui nous gratifie probablement des moments les plus mémorables du film.

Loin d'être le meilleur Dracula au cinéma (c'est encore les films de Terence Fisher avec C. Lee qui remportent la palme slon moi), il n'en est pas pour autant le plus mauvais, et quoique inégale, la relecture de John Badham vaut un certain coup d'oeil, et s'avère un bon compagnon lors d'une soirée pluvieuse et orageuse. :)

Le film est disponible en DVD chez Universal dans une édition simple où le film est présenté dans son format original panoramique 2.35:1 avec une piste sonore DD Stéréo 2.0. Pas de version française, et en plus, nous avons droits aux sous-titres français "joualisants" qui sont monnaie courante chez Universal depuis quelques années. On peut se consoler avec, comme suppléments, une piste de commentaire audio du réalisateur en plus d'un "making-of" de trente minutes sur le tournage du film conçu expressément pour cette édition.

1 commentaire:

  1. Ah j'oubliais...

    Laurence Olivier en Van Helsing est potable, sans plus, faut dire que son accent est insupportable. Si le grand Laurence était un as du théatre shakespearien, on ne peut en dire autant de^sa maîtrise des accents !!!

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